Le Kremlin de Moscou est la forteresse mythique de la Russie. C'est une ville
à part entière, avec ses palais, ses arsenaux et ses églises, un château
médiéval qui relie le pays moderne à son passé légendaire. Lorsque, aux 11ème
et 12ème siècles, les invasions tataro-mongoles et les dissensions internes
provoquèrent le découpage de l'empire de la Russie kiévienne en une multitude
de petites principautés, les grands-princes russes reprirent l'avantage.
En 1147, alors que la Russie kiévienne était à l'agonie, un chroniqueur
rapporte qu'une fête se tint à la résidence de chasse du prince Iouri Dolgorouki,
qui régnait alors sur Souzdal et Rostov. Cette résidence se trouvait sur une
colline dominant les rivières Moskva et Neglinaya. Grâce à sa situation
stratégique, elle fut rapidement transformée en une ville fortifiée, ou
"Kremlin".
En l'espace d'un siècle, la ville s'est rapidement développée, au point de
devenir une principauté indépendante au sein de l'empire mongole. Au milieu
du 14ème siècle, Moscou avait tant gagné en prééminence sur ses rivales qu'elle
fut choisie pour abriter le siège de l'Eglise orthodoxe russe. Avec Ivan III
le Grand (1462-1505), la loi moscovite s'étendit à l'ensemble de la Russie et
le Kremlin, comme centre du pouvoir russe, connut une grande magnificence.
En 1480, la modeste résidence de chasse s'était transformée en une imposante
ville fortifiée. Derrière ses murs de pierre apparaissait la Cathédrale de
l'Assomption, dans laquelle Ivan, dans un geste de défi, déchira le traité
soumettant Moscou à l'Empire mongole. Tout au long des deux siècles suivants,
et jusqu'à ce que Pierre le Grand transfère la capitale russe à Saint-Pétersbourg,
le Kremlin fut le théâtre de l'histoire grandiose et parfois sanglante des
Tsars.
Avec le transfert du pouvoir à Saint-Pétersbourg, la ville et le Kremlin de
Moscou déclinèrent. Ils retrouvèrent leur rôle de centre du pouvoir avec
l'Union soviétique, lorsque les Bolcheviques décidèrent en mars 1918 de faire
de Moscou leur capitale. Même si la période soviétique a laissé des traces au
Kremlin, la vieille citadelle a su conserver l'atmosphère qui a présidé à la
naissance de la Russie tsariste. C'est particulièrement le cas de la Place
des cathédrales, où errent encore de manière perceptible les esprits d'Ivan
le Terrible, de Boris Godounov et des premiers Romanov, alors que les âmes
de Staline et de Lénine ont déserté l'endroit depuis longtemps.
Que peut-on voir au Kremlin?
L'Arsenal
L'Arsenal du Kremlin a été construit sur l'ordre de Pierre-le-Grand pour
servir de dépôt et de fabrique d'armes. Après la pitoyable retraite de Napoléon,
il fut transformé en musée commémorant la victoire russe. La plupart des canons
exposés devant sa façade ont été pris aux bataillons en fuite de la Grande
armée. L'Arsenal est aujourd'hui le quartier général de la Garde du Kremlin.
Le Palais de verre du Kremlin
Ce bâtiment moderne tout de verre et de béton est l'édifice le plus récent
du Kremlin. Il a été construit pendant les heures de gloire de l'administration
Khrouchtchev pour abriter les congrès du parti communiste. Il est un exemple
typique du style grandiloquent de l'époque. La salle principale du congrès
abrite un colossal auditorium de 6'000 places. La scène était surmontée d'un
bas-relief monumental de la tête de Lénine entourée de rayons dorés. Aujourd'hui,
le palais abrite des représentations de la Compagnie de ballet du Kremlin et
la bonne vieille tête de Lénine a disparu.
Le Sénat
L'élégant bâtiment néoclassique du Sénat a été construit sur l'ordre de
Catherine-la-Grande par l'architecte moscovite Marvei Kazakov. La tsarine
destinait ce bâtiment aux réunions du conseil, mais il est plus connu pour
avoir abriter le bureau de Lénine après la Révolution. La récente restauration
a préservé ces bureaux. Aujourd'hui, le Sénat est la résidence officielle du
Président russe.
Le Roi des canons et la Reine des cloches
Ces deux bizarreries forment une paire étrange. Tous deux sont les plus gros
spécimens du monde de leur catégorie et tous deux n'ont jamais servi. Le Roi
des canons pèse 40 tonnes pour un fut de cinq mètres et un calibre de 890 mm.
Il a été construit en 1586, pendant le règne de Fiodor, le fils faible d'esprit
d'Yvan-le-Terrible. Le canon devait repousser les assauts ennemis avec des
projectiles de la taille d'un tonneau. Comme si le canon lui-même n'était pas
suffisamment impressionnant, le fut et le chariot ont été ornés d'une tête
du terrible Fiodor et d'une scène représentant un énorme lion russe tuant un
serpent, symbole des ennemis de la Russie.
La Reine des cloches pèse 200 tonnes. Elle n'a jamais été terminée et encore
moins sonné. Une autre cloche plus modeste (mais pesant tout de même 130 tonnes)
avait été construite au milieu du 17ème siècle mais avait été détruite dans
l'incendie de Moscou de 1701. Trois décennies plus tard, l'impératrice Anne
ordonna qu'une nouvelle cloche plus grosse fût reconstruite à partir des restes
de l'ancienne. Mais l'énorme cloche se brisa en 1737 au moment de la cuisson.
Un autre siècle passa avant que la cloche fût amenée où elle se trouve
aujourd'hui. Un petit morceau de 11 tonnes qui s'est détaché lors du transport
se trouve à côté de la cloche.
La Place des Cathédrales
Si on se représente la Russie comme une poupée russe, avec Moscou à l'intérieur
du pays et le Kremlin à l'intérieur de Moscou, la Place des Cathédrales est
l'ultime poupée, contenue à l'intérieur du Kremlin. Elle a été la première
grande place publique à l'époque du développement du pouvoir moscovite au début
du 14ème siècle et a représenté pendant des siècles le coeur de l'empire des
tsars. La place est occupée sur un côté par la Cathédrale de l'Assomption,
construite vers 1470 par le tsar Ivan-le-Grand pour abriter le centre de
l'Eglise orthodoxe russe. Jusqu'au transfert de la capitale russe à
Saint-Pétersbourg par Pierre-le-Grand, la Place des Cathédrales était le centre
de la vie politique du pays: couronnements, assemblées de la noblesse et autres
cérémonies associées à l'exercice du pouvoir se tenaient à cet endroit. Cette
place conserve l'atmosphère de la vieille Russie tsariste. Les autres cathédrales,
tours et palais qui entourent la place sont les témoins de tout un pan de
l'histoire russe.
Le Clocher d'Ivan-le-Terrible
Dominant non seulement la Place des Cathédrales mais également tout le
Kremlin, le clocher doré d'Ivan-le-Terrible a longtemps été la construction
la plus haute de Russie. Construite en pierre blanche brillante et s'élevant
à 80 mètres au-dessus de la place, il a été commencé au début du 16ème siècle
et terminé en 1600 sous le règne de Boris Godounov. Le beffroi voisin abrite
la Cloche de la Résurrection, qui pèse 64 tonnes et date du 19ème siècle.
La Cathédrale de l'Assomption
La Cathédrale de l'Assomption et la plus ancienne, la plus grande et la plus
importante des églises du Kremlin. Elle a été construite à la place d'une
petite église érigée vers 1330 par Ivan Ier pour marquer l'accession de Moscou
au statut de siège de l'Eglise orthodoxe russe. Un siècle et demi plus tard,
Ivan III (le Grand) décida que l'église modeste et depuis lors passablement
délabrée construite par son prédécesseur n'était pas digne de la grandeur de
la ville. Après avoir consulté en vain des architectes locaux, il décida de
s'adresser à des étrangers et engagea un Italien (c'était alors l'époque de
la Renaissance). Ainsi, en 1475, Alberti Fioravanti arriva de Bologne. Après
avoir effectué un tour des anciennes villes de Pskov, Vladimir et Novgorod
afin de se familiariser avec les traditions architecturales de l'ancienne
Russie, Fioravanti revint à Moscou et se mit au travail. Quatre ans plus tard,
il avait réalisé un véritable chef-d'oeuvre. Ivan était si satisfait du résultat
qu'il jeta l'architecte en prison lorsque celui-ci lui demanda de pouvoir
rentrer chez lui. Fioravanti mourut en captivité quelques années plus tard.
La Cathédrale entra dans l'histoire avant même que la peinture de ses fresques
eût le temps de sécher, puisque c'est sur ses marches mêmes qu'Ivan déchira
le traité obligeant le Prince de Moscou à payer un tribut aux Mongols. La
Cathédrale était le centre de l'Eglise orthodoxe et a été le théâtre de tous
les couronnements, les funérailles, les cérémonies de victoires et les autres
intrigues qui ont jalonné l'histoire russe. Mais elle est aussi un chef-d'oeuvre
de l'architecture et de la peinture. Ses fresques, ses icônes et le trône de
Monomack valent particulièrement la peine d'être vus, Fioravanti ayant réalisé
une remarquable synthèse de l'architecture sacrée russe.
L'Eglise de la Déposition de la Robe
Cette église relativement modeste par rapport à la précédente a été construite
par des artisans quelques années après la Cathédrale de l'Assomption. Elle
abrite aujourd'hui une belle collection de sculptures sur bois.
La Cathédrale de l'Archange Michel
Cette église est la plus italienne des églises du Kremlin. Elle est la
dernière construction d'Ivan-le-Grand sur la Place des Cathédrales. Elle fut
commandée en 1505 et construite par l'architecte vénitien Alevisio. Sa
décoration en forme de coquillage et ses colonnes de type corinthien révèlent
les influences étrangères ayant présidé à son érection. A l'exception notable
de Boris Godounov (enterré au Monastère de la Trinité-St-Serge), la Cathédrale
abrite les restes de tous les premiers tsars et de leurs prédécesseurs, les
Grands-Princes de Moscou, du Grand-Prince Ivan Kalita (1325-1341) au Tsar
Ivan V (1682-1696). Malheureusement, les tombes elles-mêmes n'évoquent que
peu le passage de l'histoire, puisque les sarcophages de pierre datent tous
du 17ème siècle et les couvercles de bronze du début du 20ème siècle.
La Cathédrale de l'Annonciation
La Cathédrale de l'Annonciation, avec ses dômes d'or, servait de chapelle
privée du Tsar. Elle a été construite par Ivan III à la fin des années 1440
sur les fondations d'une église plus ancienne et plus modeste. Elle a ensuite
été endommagée, réparée, agrandie et transformée un nombre incalculable de
fois. Un ajout particulièrement intéressant et la Porte Grosnenki, au coin
sud-est de la Cathédrale. Cette porte a été érigée en 1572 sur l'ordre
d'Ivan-le-Terrible après que celui-ci avait violé la doctrine de l'Eglise
en se mariant une quatrième fois (l'Eglise orthodoxe n'avait autorisé que
trois mariages). L'Eglise avait finalement accepté le mariage, car elle
craignait les réactions excessives d'Ivan-le-Terrible en cas de refus, mais
elle exprima son opposition en interdisant au Tsar d'entrer dans l'église pour
assister aux services divins. La porte est le résultat d'un compromis: Ivan
assistait de là aux services, debout derrière une grille construite à cette
occasion.
La Cathédrale des Douze Apôtres et le Palais du Patriarche
Ces deux bâtiments constituent en réalité un seul ensemble, qui était la
propriété au Kremlin du Patriarche de l'Eglise orthodoxe russe. Ils ont été
construit vers 1650 par le Patriarche Nikon et abritent aujourd'hui un musée
des arts appliqués du 17ème siècle. On peut notamment y voir de la vaisselle
de culte, des meubles et des objets domestiques de cette époque.
Le Palais de Terem, le Palais à Facettes et le Grand palais du Kremlin
Malheureusement, aucun de ces palais n'est ouvert aux visiteurs. Le plus
ancien de ces palais, et la plus ancienne construction du Kremlin, et le
Palais de Terem. Il servait de résidence impériale jusqu'au transfert de la
capitale à Saint-Pétersbourg en 1712. Le Palais à Facettes, construit par
Ivan III, abritait les audiences et les fêtes, une fonction qu'il a retrouvée
à l'époque soviétique. Le dernier des palais, le Grand palais du Kremlin, a
été construit au début du 19ème siècle et servait de résidence moscovite au
tsar Nicolas Ier. Contrairement à ce que laisse penser l'extérieur de ces
trois palais, leur décoration intérieure est somptueuse.
Le Palais des armures
Au 16ème siècle, le Palais des Armures servait simplement de dépôt pour
l'arsenal du Kremlin. Peu à peu, il a également été utilisé comme atelier et
comme dépôt des trésors amassés par la cour impériale.
En 1813, après l'invasion de Napoléon, le bâtiment fut transformé en musée,
même si Pierre-le-Grand avait transféré depuis longtemps les armoiries et les
autres objets impériaux à Saint-Pétersbourg. Ce n'est qu'en 1851 qu'ils furent
rendus à Moscou et exposés dans le bâtiment actuel. Les trésors exposés, de
l'épée de Iouri Dolgorouki au casque et à l'armure de Boris Godounov en
passant par une magnifique collection d'une cinquantaine d'oeufs de Fabergé,
sont superbes et d'une grande importance historique. Dans le même bâtiment,
le fond diamantaire permet d'admirer le fameux Diamant Orlov de 190 carats
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